CAN Féminine 2024 / Refilwe Tholakele (Botswana) : “Je veux rendre mon pays fier”

Publié:
  • Révélée lors de la CAN Féminine CAF TotalEnergies 2022 grâce à un doublé retentissant face au Burundi, Refilwe Tholakele s’est imposée depuis comme l’un des visages forts du football féminin africain.
  • Meilleure buteuse de la Ligue des Champions Féminine de la CAF 2023 avec cinq réalisations, l’attaquante botswanaise veut marquer cette édition de la CAN Féminine 2022
  • À quelques semaines d’une nouvelle campagne continentale, la star des Mares partage ses ambitions, sa progression personnelle et son envie farouche d’inspirer une nouvelle génération de footballeuses.

Elle n’a pas besoin de lever la voix pour qu’on l’écoute. Il suffit de regarder ses statistiques : meilleure buteuse de la Ligue des Champions Féminine de la CAF 2023 avec cinq réalisations, décisive avec un doublé face au Burundi (4-2) lors de la dernière CAN Féminine CAF TotalEnergies, Refilwe Tholakele s’est imposée comme l’un des visages forts du football féminin africain. À 29 ans, l’attaquante botswanaise, qui brille au Mamelodi Sundowns, a troqué l’étiquette de révélation pour celle de leader affirmée.

Et elle n’a rien perdu de sa fraîcheur. À quelques jours d’un nouveau défi continental avec les Mares, versées dans un groupe relevé aux côtés du Nigeria, de l’Algérie et de la Tunisie, Refilwe Tholakele respire la confiance sans excès. L’expérience emmagasinée depuis la CAN 2022, les buts empilés avec les Mamelodi Sundowns son club comme en sélection, la discipline de travail qu’elle s’impose chaque jour : tout dans son discours reflète une joueuse arrivée à pleine maturité.

Dans cet entretien à cœur ouvert avec CAFOnline.com,  elle revient sur son évolution personnelle, son attachement viscéral au maillot national et son envie profonde d’inspirer. Avec calme, précision et ambition, Refilwe Tholakele continue d’écrire une trajectoire qui dépasse les frontières du Botswana.


CAFOnline.com : Le Botswana est dans le groupe B avec le Nigeria, l’Algérie et la Tunisie. Quel regard portez-vous sur cette poule ?

Refilwe Tholakele : C’est clairement un groupe très relevé. On parle de nations qui ont de l’expérience, des joueuses évoluant dans des championnats de haut niveau, et une vraie tradition du football féminin. Mais pour nous, c’est une opportunité. Ce genre de confrontation, c’est ce qui fait grandir une équipe. On respecte ces adversaires, bien sûr, mais on n’a pas peur. Depuis notre dernière participation, on a progressé dans tous les domaines — mentalement, physiquement, collectivement. Cette CAN Féminine, c’est pour nous l’occasion de montrer ce qu’on vaut vraiment.

Sur quoi portez-vous l’accent dans votre préparation personnelle ?

Je travaille beaucoup sur plusieurs aspects de mon jeu. Sur le plan physique, je veux être capable de répéter les efforts, de tenir l’intensité pendant 90 minutes ou plus. Ensuite, j’ai beaucoup insisté sur ma prise de décision dans le dernier tiers, que ce soit pour finir les actions ou créer pour mes coéquipières. Et puis il y a l’aspect mental : rester lucide quand le match s’emballe, savoir gérer les hauts et les bas émotionnels. Je fais aussi un vrai travail de visualisation. Je m’imagine dans certaines situations de match, je me prépare à réagir avec calme, avec précision. C’est dans ces détails qu’on fait la différence à ce niveau.

Que représente la CAN Féminine pour vous ?

C’est bien plus qu’une compétition. C’est un rêve d’enfant devenu réalité, mais aussi une mission. Porter le maillot du Botswana à la CAN, c’est représenter toute une nation, faire entendre notre voix sur le continent. C’est une scène qui met en lumière les parcours, les sacrifices, et les ambitions des femmes footballeuses africaines. Pour moi, c’est aussi un moment de fierté familiale : je pense à mes parents, à ceux qui m’ont soutenue dans les moments difficiles, à ma communauté. Jouer la CAN, c’est honorer leur confiance, leur patience, et leur amour.

Que retenez-vous de votre première expérience à la CAN en 2022 ?

Ce fut un choc — mais un choc constructif. On a affronté des joueuses avec une grande maîtrise, une vraie intelligence de jeu, une puissance physique impressionnante. Je me suis rendu compte de tout le travail qu’il me restait à faire. Mais ce n’était pas décourageant, au contraire. C’était une école accélérée. J’ai appris à lire plus vite le jeu, à mieux gérer la pression médiatique, à garder la tête froide dans les grands matchs. Cette première CAN m’a donné une ligne de conduite pour m’améliorer. Elle m’a aussi rendue plus affamée. Je suis sortie de là avec une seule idée : revenir et faire mieux.

Qu’est-ce qui a changé dans votre approche depuis la dernière édition ?

Je suis plus complète, je pense. J’ai compris que le football ne se joue pas uniquement avec les jambes. Aujourd’hui, je prépare mes matchs aussi avec ma tête. Je passe du temps à analyser nos adversaires, à comprendre leurs points faibles, à anticiper les scénarios de match. Je ne suis plus seulement une finisseuse : je veux être une joueuse qui pèse sur le jeu, qui aide à la récupération, qui parle, qui guide. Je cherche aussi à être un relais pour les plus jeunes. La CAN, c’est un tournoi court, intense, et chaque détail compte. On ne peut plus se permettre d’être juste spectatrice de son propre match.

Comment le Botswana peut-il surprendre lors de cette compétition ?

Notre plus grande force, c’est notre cohésion. Ce groupe vit bien, travaille dur, et croit profondément en son potentiel. On n’a rien à perdre, et ça change tout. Il y a une vraie envie de prouver qu’on ne vient pas juste pour participer. On a mis en place une discipline de travail, un projet de jeu ambitieux, et une mentalité de compétitrices. Si on reste concentrées, solidaires, et qu’on ne laisse pas la pression nous écraser, je pense qu’on peut créer des surprises. On connaît nos limites, mais on connaît aussi nos armes. Et parfois, l’élément de surprise peut être décisif.

Qu’est-ce qui vous pousse à vous améliorer chaque jour ?

C’est une combinaison de plusieurs choses. Ma famille, d’abord. Je veux les rendre fiers. Mon pays, aussi : je sais que des jeunes filles me regardent et se disent que c’est possible. C’est une responsabilité qui me pousse à donner l’exemple. Et puis il y a mes propres rêves. J’ai encore beaucoup d’objectifs, que ce soit en club ou en sélection. Je veux repousser mes limites, montrer que même en venant d’un pays où le football féminin reste en développement, on peut viser l’excellence. Chaque entraînement, chaque match est une chance de progresser. Je ne veux pas gâcher ça.

Que représente le maillot de l’équipe nationale pour vous ?

C’est une émotion difficile à décrire. À chaque fois que je le porte, je ressens un mélange de fierté, de gratitude et de responsabilité. Ce n’est pas juste un maillot : c’est le symbole de tout un peuple, de toutes les batailles menées pour que le football féminin ait sa place. Je pense aux terrains poussiéreux de mon enfance, aux sacrifices faits pour jouer, aux regards sceptiques qu’il a fallu braver. Porter ce maillot, c’est leur rendre hommage à tous. Et c’est aussi une promesse : celle de me battre jusqu’à la dernière seconde pour défendre nos couleurs.

En dehors du terrain, qu’est-ce que le football vous a apporté ?

Beaucoup. Le football m’a donné une structure, un cadre. Il m’a appris à gérer mon temps, à me relever après un échec, à me faire confiance. Il m’a aussi permis de voyager, de découvrir d’autres cultures, d’échanger avec des joueuses inspirantes. Sans le football, je ne serais peut-être pas la personne que je suis aujourd’hui. Il m’a offert des opportunités que je n’aurais jamais imaginées. Et surtout, il m’a appris à croire que tout est possible quand on travaille avec passion et constance.

Qu’aimeriez-vous que le public retienne de vous après cette CAN Féminine ?

Que j’ai tout donné, du premier au dernier match. J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme d’une joueuse engagée, généreuse, qui n’a jamais triché avec le maillot national. Je veux laisser l’image d’une combattante, mais aussi d’une femme qui a inspiré, motivé, donné envie. Si une jeune fille, quelque part au Botswana ou ailleurs, décide de suivre sa passion en me voyant jouer, alors j’aurai réussi quelque chose d’important. Le football est un sport collectif, mais il peut aussi changer des vies individuelles. J’espère en être la preuve.